Série "L'alimentation attentive" / 1. Pourquoi s'y mettre ?
Une série d'articles pour explorer pourquoi et comment pratiquer l'alimentation en pleine conscience pour les adultes et les enfants, quelle que soit votre situation.

Dans cette série d'articles, nous allons explorer les nombreuses applications de l'alimentation attentive, seul ou en famille.
Ici, je commence par expliquer de quoi il s'agit : qu'est ce que l'alimentation attentive et quel est son intérêt pour les adultes et pour les enfants ?``
L'alimentation en pleine conscience
Aux Etats-Unis, l'alimentation en pleine conscience, mindful eating, est largement pratiquée et répandue. Elle est également étudiée de près par des universités, des chercheurs, des médecins, etc, et ses effets commencent à être recensés dans des centaines d'articles scientifiques et d'études qui paraissent chaque jour pour démontrer ses effets sur le surpoids, les pulsions et troubles alimentaires, le stress, l'accompagnement du diabète et de maladies auto-immunes, entre autres. En d'autres termes, elle commence à faire ses preuves et elle mérite que nous nous y intéressions enfin.
De quoi s'agit-il ?
il s'agit d'appliquer l'approche de la méditation de pleine conscience, issue des travaux de Jon Kabat-Zinn dans les années1970, à tout ce qui touche à avant, pendant, et après l'acte de manger. Son approche puise majoritairement dans la méditation bouddhiste, pratiquée depuis des millénaires.
Cette manière d'être, plus qu'un outil, propose de simplement être dans le moment présent, faire uniquement et pleinement ce que nous sommes en train de faire quand nous le faisons. Par exemple, quand je déjeune, je ne suis pas en train de faire du shopping en ligne et d'avaler un sandwich dont je ne fais attention ni au goût, ni aux textures, ni aux sensations qu'il me procure, ni au moment où je pourrais m'arrêter.
Il s'agit de vivre ce que nous vivons, sans distraction, en prêtant attention à tous nos sens, en étant attentifs à nos sensations, en accueillant, sans jugement, toutes les pensées, les émotions, les sensations que l'on vit. On fait de la place, on arrête tout le reste, et on mange, en prenant le temps, assis, sans écran, accompagné ou seul : on fait comme si on découvrait un aliment pour la première fois, on prête attention aux odeurs, aux textures, aux saveurs, on mâche pour en profiter vraiment et longtemps.
L'expérience est autant valable quand elle est négative, désagréable, ou même neutre, que quand elle est agréable, on n'a pas mieux "réussi" à manger en pleine conscience lorsque l'on ressent une explosion de saveur en bouche : ce qui importe c'est d'être là avec notre assiette, avec notre plat, que l'on choisit et assume quelqu'il soit, de sortir du mode pilotage automatique quand on mange.
C'est une consigne à la fois très simple, c'est instinctif et nous le pratiquons souvent déjà d'une certaine manière, c'est pourquoi (presque) tout le monde peut manger en pleine conscience. Les bébés sont d'ailleurs naturellement des mangeurs en pleine conscience : ils vivent uniquement l'instant présent, savent réguler les quantités lorsque survient la sensation de satiété, et savent réclamer un câlin lorsque c'est d'affection dont ils ont besoin d'être nourris et non pas de lait.
En même temps, c'est nouveau et déstabilisant car c'est différent de nos habitudes et de la manière dont nous avons souvent été éduqués, dans laquelle on termine son assiette, on déjeune devant son ordinateur ou en marchant dans la rue, on ne fait pas d'expériences avec les aliments, on ne choisit souvent ni les quantités ni la nature de ce qui nous est servi et on émet des jugements sur le contenu de notre assiette et sur nous-mêmes.
Attention, ça n'est pas une pratique thérapeutique, l'alimentation en pleine conscience ne remplace pas l'expertise d'un professionnel de santé pour accompagner, diagnostiquer des maladies, des allergies, des intolérances pour les médecins et diététiciens. être à l'écoute de soi est une aide précieuse vers la santé mais elle ne nous donne pas pour autant des connaissances et des compétences qu'un professionnel possède. Elle accompagne !

Quel objectif et quel intérêt ?
Les enfants et les adultes qui le pratiquent retrouvent et développent une relation saine à l'alimentation (explication dans un prochain article). Cela limite grandement le risque et permet de vivre mieux les situations d'obésité, de surpoids, de troubles du comportement alimentaire, de compulsions et de maladies auto-immunes ou liées à une alimentation inadaptée à nos besoins. L'objectif n'est pas la perte de poids mais elle est l'une des conséquences de cette approche.
L'intention est d'apprendre à se nourrir de ce qui nous convient dans les quantités qui nous conviennent et au bon moment, pour se sentir bien dans son corps et satisfait de son alimentation.
Concrètement, il s'agit :
D'apprendre ou de réapprendre à identifier l'intensité de sa faim, qui permet de se servir les bonnes quantités, ni trop ni trop peu. Les enfants peuvent apprendre à se servir eux-mêmes les quantités qui leur conviennent dès 2 ans.
De se faire confiance sur sa capacité à ressentir la satiété et à savoir s'arrêter au bon moment pour ne pas trop manger. Il s'agit de manger dans les quantités qu'il faut pour soi en ce moment précis : "d'habitude je finis cette quantité de ce plat, aujourd'hui je n'en ai pas envie, j'accepte de laisser un peu de mon assiette, je garde pour plus tard ça n'est pas gaspillé".
D'apprécier et vivre le moment de manger avec tous ses sens, comme un moment nourrissant physiologiquement mais aussi affectivement quand il est partagé, esthétiquement quand on a de beaux plats devant soi.
D'apprendre à identifier de quoi nous avons vraiment faim pour se nourrir de ce dont nous avons besoin quand on en a besoin : on a tendance, machinalement, à ouvrir le réfrigérateur lorsqu'on ressent une envie de manger, mais avoir envie de manger peut aussi cacher d'autres formes de faim : une faim affective, une faim intellectuelle, un besoin d'être nourri spirituellement, sexuellement, esthétiquement. Apprendre à identifier la bonne nourriture et à y répondre de manière adéquate permet de remplacer un pot de glace par un coup de téléphone à quelqu'un qu'on aime, un bol de céréales par la lecture d'un livre qui nous captive et nous stimule intellectuellement, un camembert entier à l'heure de l'apéro par une partie de légo.
De s'écouter plus en étant bienveillant envers soi-même, par la prise de conscience que nos envies sont au service de réels besoins. Notre corps cherche notre bien, pas à nous nuire, l'alimentation attentive permet de prendre conscience de cela, et donc de remonter l'estime de soi, de sortir de la culpabilisation face aux aliments, de mettre fin aux frustrations car on mange, consciemment, délibérément, en savourant, un aliment qui nous tend les bras.
Il n'y a pas de régime, il n'y a pas de "bon" ou de "mauvais" aliment dans l'absolu en alimentation en conscience, il n'y a que des aliments qui nous donnent envie ou pas dans l'instant précis et qui nous informent sur nos besoins : à nous d'expérimenter et de ressentir ce que nous apporte cette dégustation. Ainsi, si on doit éviter un aliment, ça sera parce que nous avons nous-même expérimenté ses effets indésirables, ça ne sera pas pour suivre les conseils d'un professionnel de santé ou de quelqu'un d'extérieur, qui est là pour suggérer et accompagner mais pas pour savoir pour moi ce qui est bon pour moi ici et maintenant.
Pour les enfants
Chaque personne qui nourrit un enfant fait son possible pour qu'il "mange bien", selon ses critères.
Au-delà du devoir de subvenir aux besoins nutritionnels d'un enfant pour permettre son bon développement, nourrir un enfant va aussi contribuer à définir son rapport à la nourriture, ses goûts, ses habitudes alimentaires.
Notre comportement influence la manière dont l'enfant va apprendre à gérer les envies qui surgissent, la faim ou l'envie d'un aliment en particulier, les sensations qui surviennent alors, comment il va réagir lorsque l'envie de manger arrive, lorsqu'un aliment en particulier l'appelle, puis lorsque la satiété arrive ou l'envie d'arrêter de manger un aliment, un plat, ou tout le repas, se fait ressentir.
Pour la première fois, il est envisagé que l'espérance de vie des jeunes générations puisse être moins élevée que celle de leurs parents à cause des conséquences sur leur santé de régimes alimentaires néfastes, de la sédentarité et de l'accroissement de l'obésité (Lofgren, Ingrid. (2015). Mindful Eating. American Journal of Lifestyle Medicine. 9. 10).
Il est donc de notre responsabilité de trouver comment leur donner les moyens de développer un rapport sain à leur alimentation (et, au-delà, à eux-mêmes), dans un contexte d'augmentation de la malbouffe, de l'obésité, du diabète, des troubles alimentaires et des troubles obsessionnels dès l'enfance.
L'alimentation attentive, ou alimentation en conscience, permet d'aller dans ce sens.

Dans les prochains articles de cette série, il sera question du mode d'emploi pour manger en conscience, de mastication, de jeux à imaginer en famille, des signes de faim, des grignotages, de bienveillance, de l'organisation d'une tablée qui favorise l'alimentation attentive.