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Zythologie

Un premier invité sur Cibis pour parler de bière et du métier de brasseur.

Comme le vin, le whisky, le café ou le chocolat, dont on s’intéresse à la fabrication et aux saveurs, il me semble que la bière a besoin qu’on la comprenne un peu mieux dans toute sa subtilité. J’ai donc demandé à mon ami Cédric Belliard, qui a créé avec sa complice Bérengère Mey la brasserie Hexagone & ales l’année dernière, de nous faire un petit cours de zythologie, ou étude de la bière. C’est lui qui répond aux questions.

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Que contient la bière et comment la fabrique-t-on ?

La bière, c’est quatre ingrédients : eau, malt de céréale/céréale, houblon et levure. Certains brasseurs ajoutent des épices (écorces d’orange, coriandre, anis…). A la brasserie Hexagone & ales, nous n’utilisons que les quatre ingrédients essentiels, avec des malts et des houblons français bien choisis. Le choix des différentes variétés de ces ingrédients et la façon de les utiliser définiront la qualité, le goût et le style de la bière. La température de fermentation, une éventuelle période de garde ou une refermentation en bouteille feront le reste.

Ce qu’il faut savoir sur les éléments de base :

L’eau :

La bière, c’est 95 % d’eau au minimum. Du coup, c’est logique que le goût de la bière dépende beaucoup de l’eau qui est utilisée, et de sa minéralisation. C’est d’ailleurs les contraintes liées à l’eau qui ont défini les grand styles de bière : ce n’est pas un hasard que la Guinness ait été créée à Dublin (eau dure propice aux bières brunes) ou la Pilsner Urquell à Pilsen, en Tchéquie (eau douce).

Le malt :

Le maltage consiste à reproduire et contrôler le processus de germination des graines, puis à le stopper lorsqu’un nombre suffisant d’enzymes destinés à dégrader les chaines d’amidon en sucre simple s’est développé. ensuite les grains sont séchés puis conditionnés jusqu’à leur utilisation lors du brassage. Les brasseurs utilisent principalement de l’orge mais aussi du blé, du seigle, de l’avoine, du riz ou du maïs.

Avant l’arrivée des techniques de réfrigération, les périodes de brassage étaient déterminées par l’orge (disponible à partir de début octobre) et l’arrivée de la saison froide. Là où c’est intéressant, c’est que ce sont en grande partie les variations dans l’intensité du séchage des grains qui vont produire une variété étendue de malts (pâles, ambrés, caramélisés voir torréfiés). L’utilisation de tel ou tel malt va déterminer la couleur ainsi que l’arôme de la bière. Les malts de couleur pâle apportent des arômes de céréales. Les malts plus colorés donnent des arômes allant du biscuit au café !

La levure :

Il existe plein de types de levures, et elles sont pour beaucoup dans l’identité d’une bière. Certaines sont actives à des températures basses (levures utilisées pour les Lagers), d’autres préfèrent les températures élevées (levures utilisées pour les ales). Il existe aussi des levures dites « sauvages » qui sont présentes naturellement dans l’air (levures utilisées pour les lambics). La levure est un champignon unicellulaire qui transforme le sucre du malt en un mélange d’alcool et de CO2. Très intrigant et plein de secret durant des siècles, le mode d’action de la levure sera expliqué par Pasteur au XIXè siècle.

A la brasserie Hexagone & ales nous choisissons des levures de fermentation haute, comme le nom de la brasserie l’indique. Mais  comme tout bon brasseur qui se respecte, je suis impatient de recommencer des expériences de recettes avec une levure de fermentation basse.

Le houblon :

C’est le houblon que nous utilisons dans notre IPA qui lui donne ses arômes d’agrume. Le houblon ou Humulus Lupulus, est une plante grimpante dont la récolte à lieu à la fin de l’été. Pour la bière, on en utilise les fleurs femelles. Elles se présentent sous forme de cônes ovoïdes, portant la lupuline – résine aux pouvoir aromatisant et amérisant. On les choisit pour façonner notre bière en fonction de leur lieu de culture, leur variété, leur taux d’huiles essentielles ou d’acide alpha.

Le houblon est utilisé à différents stades de la fabrication de la bière : Au début de l’ébullition pour le houblon d’amertume, vers la fin de l’ébullition pour le houblon aromatique, dans la cuve de garde pour l’houblonnage à cru – technique utilisée pour accentuer la présence des saveurs dans des bières type Pale Ale, IPA. Comme chaque variété offre des saveurs très variées allant des agrumes aux fruits rouges ou à des notes herbacées ou épicées, on peut même utiliser plusieurs variétés de houblon dans un même brassin.

Vous pouvez connaitre le degré d’amertume d’une bière en lisant l’IBU (International Bitterness Unit) parfois indiqué sur les bouteilles : plus la valeur est élevée, plus la bière est amère.

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Et maintenant, voilà comment on en fait de la bière : les grains de céréales renferment des réserves d’amidon. Les enzymes développés durant le maltage dégradent les chaînes d’amidon en sucre simple, indispensable au brassage et à la fermentation alcoolique. Lors du brassage, les céréales maltées sont concassées pour faciliter le travail enzymatique, puis additionnées à de l’eau chaude. Ce processus finit de produire des sucres.

Ensuite, on ne garde que la partie liquide qui porte le nom de moût (mélange d’eau et de sucre). Pendant environ une heure, le moût est porté à ébullition afin de le stériliser et de concentrer les sucres. On ajoute aussi le houblon. Après l’ébullition, le moût est refroidi et inoculé de la levure afin que celle-ci transforme le sucre en alcool et CO2. Cela prend environ une semaine.

La bière jeune sera ensuite transférée en cuve de garde pendant quelques semaines puis refermentée en bouteille afin de lui apporter son pétillant. Pour Hexagone & ales, après la fermentation, la bière jeune est gardée en cave à température basse durant 3 semaines au minimum. Cette étape permet d’affiner la bière et de la clarifier naturellement.

Blanche, blonde, brune, IPA, Pale ale, qu’est-ce qui différencie les types de bières ?

La couleur du malt, la variété de houblon, le choix de la levure, la quantité d’ingrédients, la température de fermentation, la période de garde, le niveau d’amertume, la composition de l’eau: tous ces éléments donnent son caractère à une bière et son “type”. De façon générale, une bière blonde, lager ou ale, sera plus légère qu’une brune. Une Pale ale plus houblonnée qu’une bière de garde du Nord. Une triple sera plus sucrée qu’une IPA qui se veut sèche et amère.

Le choix de tel ou tel style de bière reste personnel mais peut être guidé par le brasseur ou le caviste. De façon générale, une bière blanche au caractère léger et rafraîchissant sera préférée à une bière brune lors des mois d’été. Une triple, plus sucrée et chaleureuse accompagne bien une flambée d’hiver. Chaque style apporte quelque chose de différent au buveur, et donc chaque style peut être associé à un moment. Mais, à mon avis, il n’y a pas vraiment de règles. Une triple assez claire, servie un peu fraiche pourra être très appréciée en été avec un fromage bien fruité.


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Justement, on prend de plus en plus conscience que la bière comme le vin peut être assortie ou pas aux plats : que manger avec quelle mousse, quelles sont les bases pour des accords mets/bières réussis ?

De façon générale, je pars du principe que chacun voit un accord réussi là où cela lui chante. Le plus important est de tester tout en conservant à l’esprit que l’équilibre est une bonne chose afin de mettre en valeur à la fois le met et la bière. Dans les grandes lignes, les accords mets/bières peuvent être articulés de deux façons :

  1. La résonance : rechercher à lier la douceur du plat avec celle de la bière

  2. Le contraste : jouer sur l’amertume de la bière et l’acidité du plat par exemple, chercher de la complémentarité

Pour ma part je considère que le fromage est le meilleur ami de la bière est le fromage. Un comté bien affiné avec une triple parfaitement équilibrée peut vous faire la soirée. Le brasseur peut, en décrivant sa bière, indiquer les accords qu’il entend conseiller. A titre d’exemple, je conseille de déguster notre IPA avec une viande de bœuf grillée ou un dessert au chocolat.

Un apéritif peut accueillir tout type de bières. Cependant, en début d’une soirée de dégustation, il est intéressant de commencer avec une bière légère, type Pils, qui va très bien avec les crudités ou les charcuteries non fumées ni épicées. Pour terminer le repas je choisirais une bière plus intense en goût. Suivre une certaine progression des saveurs et des puissances est intéressante.

Pour les charcuteries fumées, je préfère choisir des bières ambrées ou brassées à base de malt…fumé.

Les chips au cheddar ou accompagnées de cheddar jeune s’accordent bien avec une bière Pale Ale anglaise présentant un petit côté citronné ou herbacé du fait de son houblonnage.

Une bière blonde plus légère ou une bière de blé fruitée s’accordant bien avec des plats tels qu’une viande blanche ou des fruits de mer.

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Les bières plus rondes (triple, pale ale belges, blonde du diable Duivel, bières ambrées…) sont intéressantes pour accompagner des plats mijotés à base de viande, des cuissons caramélisées…

Les plats épicés apprécient la compagnie d’une bière puissante telle qu’une IPA.

Les bières de blé ou des Pale Ale présentant un côté fruité, agrume, voire fruit de la passion pour certaines IPA s’accordent très bien avec un dessert fruité.

Une bière présentant des saveurs chocolatées ou de café pour accompagner un dessert au chocolat (une Porter ou une Stout). Une bière riche et complexe pour finir le repas…tel un bon digestif.

Les bières artisanales l’emportent-t-elles sur les bières industrielles ?

Parfois, une bière industrielle ce n’est pas mal, surtout si on a très soif et qu’on ne veut pas de complexité dans le goût…une sorte de paresse que le buveur, moi le premier, peut apprécier parfois. Il faut aussi relativiser la notion. Certaines bières allemandes sont produites à des quantités industrielles mais ont su garder leur « honnêteté », mais d’autres ont perdu toute crédibilité.

Mais certains brasseurs « artisanaux » surfent aussi sur la légalité. Au vu du potentiel que représente le marché de la bière artisanale, certains n’hésitent pas à se définir comme brasserie artisanale alors que leur bière est réalisée par des brasseries qui n’ont rien d’artisanales, des bières soi-disant régionales ou françaises, totalement brassées à l’autre bout de la France ou à l’étranger. Il faut de tout pour faire un monde…de bières.

Et comment le monde de la bière a-t-il évolué selon toi ?

La renaissance des bières artisanales permet à l’univers de la bière de se réinventer et d’avoir un bel avenir devant elle. Et puis le métier de brasseur est très complet : c’est très agréable d’avoir à la fois besoin de réfléchir à la réalisation de la recette, de gérer une boite avec tous les aspects juridiques, administratifs, commerciaux, et puis d’être dans l’action très concrète de la fabrication.

Il faut rappeler que durant des décennies, l’industrie brassicole a racheté ou fait disparaitre les milliers de brasseurs artisanaux français. En 1980 il ne restait plus qu’une poignée de brasseurs indépendants et la majorité des bières bues en France avait un goût lissé par les brasseries industrielles. Aujourd’hui, sous l’impulsion du mouvement des « craft breweries » aux USA et en Grande-Bretagne, les brasseries artisanales, rurales ou citadines renaissent et innovent. C’est en réalité un retour aux sources mais aussi une fabuleuse manière d’innover. Les gens se mettent d’ailleurs de plus en plus à apprécier la bière pour ses saveurs, c’est une évolution qui s’inscrit dans l’esprit du temps où on fait plus attention à ce que l’on consomme, et c’est une très bonne chose selon moi.

Toi, qu’est-ce qui t’a poussé à devenir brasseur ?

D’abord, j’aime la bière. J’aime en boire, le rituel du service, ce qui va avec (le sous-bock…). J’avais aussi de plus en plus envie, quand j’étais avocat, de travailler, produire et consommer autrement. Ce qui me passionne dans la bière c’est que c’est d’abord un produit simple, abordable, convivial, mais que c’est aussi un produit d’une grande complexité et d’une agréable finesse.

J’aime le fait que la bière soit une boisson aux possibilités presque infinies, aussi bien au niveau des recettes que dans la façon d’aborder sa fabrication. Certains décident de faire brasser leur bière par un autre (bière à façon), d’autres passeront de brasseries en brasseries (gypsies brewers), certains brassent en grande ou petite quantité, de façon totalement manuelle ou complètement automatisée…

Et puis ce qui me plaît aussi c’est l’aspect culturel de la bière. Je m’explique : la grande majorité des pays a sa propre sélection de bières. Chaque pays permet alors de profiter d’une bière différente souvent inspirée des usages locaux ou de l’histoire du pays. Revenu en France, vous aurez toujours la possibilité de faire un dîner italien (une pizza avec une bière italienne), espagnol (tapas avec une bière espagnole), américain (burger avec une bière américaine), ou des sushis avec une lager japonaise. Beaucoup apprécient de boire une bière d’un pays qu’ils ont aimé, comme un souvenir ou une façon de se retrouver à la maison. Les nombreux bars français offrant des bières telles que la Superbock ou la Sagres, permettent à la communauté portugaise de se retrouver autour d’une bière nationale. Les Pubs anglais proposent souvent une bière italienne ou espagnole à la pression qui permettent aux  Britanniques de revivre le temps d’une pinte les moments ensoleillés de leurs dernières vacances.

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Si vous avez envie de goûter les bonnes bières brassées dans la Nièvre par Cédric et d’en savoir plus sur sa brasserie, c’est par ici : http://www.hexagoneandales.com/

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#bièrehexagone

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